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10 novembre 2007

BLUES

La tête entre les cuisses de Cécile qui gémissait , j'ai soudain eu envie d'être ailleurs.Deux heures plus tard, tandis qu'elle dormait paisiblement , je me suis levé pour aller à la fenêtre.La pluie qui s'écrasait sur la vitre déchirait le mur du fond de la chambre en ombres chinoises.Je regardais la ville détrempée sans me lasser du spectacle.J'avais toujours pensé que la pluie était citadine.

Je voyais les phares des voitures qui sillonnaient lentement le boulevard, les néons épileptiques qui clignotaient, quelques passants qui pressaient le pas sur les trottoirs déserts.Je me suis retourné vers Cécile .Malgré la pénombre , je pouvais distinguer le mouvement  régulier de sa poitrine que le drap couvrait à peine.Perdue dans son sommeil , elle semblait tellement jeune , presque une petite fille.Je la connaissais depuis la veille. Cela n'avait pas été difficile de la convaincre de me suivre jusqu'ici. Presque trop simple.

A la regarder je me sentais vieux.Même si j'avais encore un peu de marge avant la quarantaine, les premiers cheveux blancs avaient fait leur apparition sur mes tempes , quelques kilos m'encombraient et la moindre nuit blanche me laissait sur les genoux pour plusieurs jours.Cécile me semblait encore bien loin de ce que je pouvais encore comprendre.Les choses m'échappaient et ça me faisait peur.

Même le sexe à présent n'avait plus beaucoup de sens.J'avais des histoires de cul mais le coeur n'y était plus."A quoi bon" était une expression qui ne ma lâchait plus.Je me posais de plus en plus de questions qui restaient sans réponse et que je traînais comme autant de boulets.Parfois une angoisse sourde me tordait le ventre en fin de soirée.Je ne pouvais m'empêcher de penser que c'était encore une journée de perdue.Une de plus.

En fait , je m'approchais peu à peu de cette frontière invisible où les rêves se changent en regrets amers de ne pas se réaliser.Et je n'étais pas sûr de pouvoir y faire grand-chose.A propos,  quels rêves me restaient-ils encore?Je sentais qu'il était temps de passer à autre chose, mais à quoi?

La pluie s'était arrêtée.Je me suis habillé sans faire de bruit et je suis sorti pour prendre l'air.La fraîcheur de la nuit me faisait du bien.

J'enfilais les rues au hasard .Quelques fenêtres étaient encore éclairées.De temps en temps j'apercevais une silhouette qui se découpait dans la lumière.J'arrivai bientôt dans le quartier chaud qui était à deux pas de chez moi.Depuis longtemps, il n'était plus à la hauteur de sa réputation.Seules, deux ou trois femmes sans âge attendaient sous un porche, la poitrine largement découverte pour détourner l'attention de leur visage trop maquillé.Les filles plus jeunes et plus jolies se trouvaient au chaud et à l'abri derrière les vitrines des bars où elles étaient hôtesses .Parfois elles cognaient sur la vitre avec leur bague pour appeler les passants.

J'ai rejoint le boulevard tout proche.Les enseignes des peep-shows et des sex-shops essayaient d'attirer les touristes venus s'émoustiller quelques heures avant de remonter dans les bus qui les emmèneraient vers leurs hôtels.

Je n'avais pas envie de voir tous ces gens, toutes ces lumières, d'entendre tous ces bruits.Je n'avais envie de rien si ce n'était de m'asseoir là sur un banc.Je me demandais ce que je faisais là.J'avais quitté mon village  paumé parce que j'y étais à l'étroit.Vingt ans plus tard, je me sentais perdu dans cette ville trop grande.

Si je me posais deux secondes pour regarder ma vie, je me faisais l'effet d'être une pièce de puzzle tombée de sa boîte qui cherchait à s'emboîter avec d'autres pièces sans que cela ne fonctionne jamais.

Cécile était probablement l'une d'elles.Une parmi tant d'autres.Je suis rentré.Elle dormait encore.J'enviais son innocence et je lui souhaitai silencieusement de la conserver le plus longtemps possible.Au moins un peu.

J'ai pris du papier et un crayon dans le tiroir du bureau.J'ai griffonné un petit mot pour elle, lui disant qu'elle pourrait rester là tant qu'elle voudrait et qu'elle laisse la clef à la gardienne en partant.

Du regard j'ai fait le tour de la pièce pour ne rien oublier.Et puis j'ai ouvert la fenêtre.J'ai respiré profondément.Je n'avais pas peur.J'ai grimpé sur le bord et j'ai plongé dans le jour qui s'éveillait à peine. 

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Commentaires
C
avis absolument personnel:<br /> vive la fille à son réveil! <br /> comme convenu j'attends la suite...l'intervention du SAMU, son séjour à l'hopital, sa rééducation, la chaise roulante qu'il quittera très vite et sans séquelles, sinon il y a de fortes chances ( ou plutôt "risques") pour que Cécile rejoigne Michel, délaissé par Mathilde.
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