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15 octobre 2007

Devine d'où je t'appelle

Michel prit l'appel avant la fin de la mélodie de son portable.Elle était discrète, il n'aimait pas se faire remarquer dans la rue.Comme il s'y attendait, c'était Mathilde qui l'appelait pour lui annoncer qu'elle rentrerait tard, qu'il ne devait pas l'attendre pour manger et peut-être même pour aller se coucher.

Il lui répondit qu'il comprenait, bien sur.De son coté, elle lui assura qu'elle ferait son possible pour que cela ne s'éternise pas trop.C'était une période de l'année très chargée mais dans quelques semaines cela se calmerait.Elle l'embrassa par portable interposé, il fit de même.

La jeune femme poussa un soupir de soulagement en coupant son téléphone.Elle supportait de moins en moins cette situation.Non qu'elle n'aimait pas mentir mais elle sentait bien qu'elle commençait à tirer un peu trop sur la corde.A sa décharge, Michel n'était pas très méfiant et surtout Jérôme était si craquant qu'elle se passait de plus en plus difficilement de lui.

Elle prenait des risques , grapillait chaque instant, chaque minute de la journée, pour le rencontrer ou lui téléphoner.Elle ne prenait plus de pause déjeuner pour partir plus tôt le soir.Il lui arrivait parfois de s'absenter l'après-midi et venait le lendemain matin très tôt pour ratrapper le temps perdu dans son travail.

Bien sur Michel aurait pu l'appeler à n'importe quel moment au bureau mais elle avait réussi à le convaincre de ne la joindre que sur son portable.

Elle regarda sa montre .Il lui restait à peine dix minutes pour rejoindre la brasserie ou Jérôme devait déjà l'attendre.Lui aussi avait un emploi du temps serré et leurs rendez-vous était chronométrés à la minute près.

Elle pensa appeler un taxi mais vu la circulation à cette heure de la journée , elle décida qu'elle irait aussi vite à pied.Elle pressa le pas.Les premières mesures d'un morceau de Bach résonnèrent au fond de son sac.Elle pensa immédiatement à Jérôme.Elle eut peur qu'il l'appelât pour lui annoncer un empêchement de dernière minute.Elle avait trop besoin de le voir.Elle se mit à l'abri d'un porche d'entrée pour se protéger du bruit et prit la communication.

C'était Michel.

Si la réunion devait se terminer tard, pourquoi ne l'appelait-elle pas?Il viendrait la chercher en voiture.Elle essaya de cacher son irritation du mieux qu'elle pouvait.Elle l'assura que c'était inutile, elle prendrait un taxi.La boîte paierait, elle lui devait bien cela.Elle le remercia d'y avoir pensé mais elle n'avait pas beaucoup de temps à lui consacrer.

Elle coupa et se remit en marche.Elle allait finir par manquer Jérôme.Elle maudit Michel.Si elle arrivait trop tard par sa faute, elle passerait ses nerfs sur lui en rentrant ce soir.N'importe quel prétexte ferait l'affaire.

La foule était dense sur les trottoirs.Mathilde se retenait de bousculer les gens pour aller plus vite.C'était tout ce à quoi elle pensait:plus vite, plus vite, plus vite.

Elle avait envie de voir Jérôme.Au point où cela devenait insupportable.Parfois, elle avait envie de lui au beau milieu de la journée.Elle ne parvenait plus alors à se concentrer sur autre chose.Elle s'arrangeait dans ces moments pour s'isoler dans son bureau et attendre que cela passe.Comme une crise.

Quelquefois quand ils se retrouvaient rapidement dans un café, ils n'y tenaient plus et se rendaient aussi discrètement que possible dans les toilettes pour une étreinte rapide, bestiale, debout contre le mur de faïence , qui les laissait aussi sonnés qu'épuisés.Elle aurait voulu le mordre, le dévorer, l'engloutir littéralement pour l'avoir avec elle éternellement.

Elle était prête à tout pour lui.Même à se mettre à genoux sur le sol graisseux d'un parking pour le voir jouir encore une fois, pour le goûter.Pour ne jamais l'oublier.

Encore deux pâtés d'immeubles et elle serait arrivée.Elle connaissait la brasserie pour y être allée avec Jérôme.C'était un endroit discret et situé à mi-chemin de leurs bureaux respectifs.Ils changeaient les lieux de leurs rendez-vous en fonction de leurs opportunités de se retrouver.

Elle atteignit enfin l'établissement.Du regard elle chercha son amant parmi les clients.Il n'était pas encore là.

Elle décida de s'installer pour l'attendre en espérant de toutes ses forces qu'il ne tarde plus.

Son portable sonna.Michel.Il voulait savoir si elle mangeait dehors avant de rentrer ou s'il devait lui préparer quelque chose.Elle répondit sèchement qu'elle prendrait un sandwich en travaillant et qu'il devait arrêter de l'appeler tout le temps.Ellen'avancerait pas dans son travail s'il l'importunait tout le temps.Michel s'excusa, un peu penaud et coupa la communication.Mathilde regarda sa montre nerveusement puis guetta l'entrée de la brasserie.Jérôme était en retard.

Il arriva enfin en lui souriant, il s'installa à la table et s'excusa en explicant qu'il avait eu du mal à se débarrasser d'un client encombrant.Ils s'embrassèrent.Doucement d'abord puis de manière plus appuyée.Leurs bouches se séparèrent dans un soupir de soulagement de s'être enfin retrouvées.Il fit signe au serveur de venir prendre leur commande.Ils prirent du thé.Il se rendit aux toilettes.

Mathilde en profita pour rappeler Michel.Maintenant qu'elle avait retrouvé son amant, elle eut quelques remords d'avoir été aussi brusque avec son mari.Lorsqu'il décrocha, elle s'excusa de la manière dont elle lui avait répondu tout à l'heure mais elle était débordée de travail et se sentait à bout de nerfs.Michel comprenait bien sur, comme toujours il ne lui en voulait pas.Il ne voulait pas la déranger plus longtemps.

Chacun coupa son portable.

Jérôme revenait, tout sourire pour Mathilde, qui le lui rendait.Leur bonheur d'être ensemble se traduisait par un besoin de contact physique.Il bavardaient en se dévorant des yeux, assis l'un près de l'autre , leurs doigts enlacés.Rien autour n'aurait pu détourner leur attention.Ils restèrent ainsi près d'une heure.Le portable de la jeune femme entonna à nouveau la mélodie de Bach.Elle souffla.Elle ne pensait jamais à le mettre en veille.

Michel.

-Mathilde, je sais que je ne devais plus te déranger pour rien, mais c'était plus fort que moi.Quand j'ai repensé à ce que tu m'as dit tout à l'heure.Je ne me rends pas toujours compte que tu as beaucoup de travail.Je crois que je pense trop à moi par moments.Je t'aime, tu sais.

La phrase resta en suspens, Mathilde ne savait que répondre.

- Oui , je sais.Moi aussi, mais là, il faut que j' y aille.On m'attend en salle de réunion.A ce soir.

- Oui c'est ça. Mathilde...attends!

- Quoi?

- Avant de rejoindre les autres, finis ton thé, ce serait dommage de le laisser refroidir.

Elle resta bouche bée.Jérôme sentit que quelque chose clochait.Il la dévisageait en se demandant ce qu'elle venait d'apprendre.La jeune femme ne s'intéressait plus à lui.Elle cherchait partout dans la salle, tournant la tête de tous les cotés comme un animal affolé, pris au piège.Elle aperçut Michel près de la porte le portable àl'oreille.

- Devine d'où je t'appelle.

Il lui tourna le dos et sortit.

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